Portrait du nouveau Pado Nou

Maesot – Mai 2019

Nou n’a plus d’avenir. Son existence sereine parfois indocile bascule tout à coup et il n’a que 13 ans. Il vient d’achever le cours élémentaire dans son village isolé et ce matin la directrice, la voix étranglée, annonce mal assurée la liste de ceux qui pourront aller étudier au collège l’année prochaine. Il n’est pas nommé. La rizière ou l’usine voilà son choix. Ses copains de classe ont choisi eux.

Nu veut devenir prêtre comme les missionnaires qu’il voit quotidiennement et qui l’impressionnent si fort. Ils conduisent un 4×4 et leur assiette est toujours pleine ! Surtout ils aident les autres et ça les rend heureux. Alors peut être lui aussi un jour… Le père a dit un matin dans la classe que c’était possible, que Dieu appelait même des Karens. Il y pense mais disperse l’idée comme un mauvais songe et garde son secret. Mais Nou ne rêve plus : usine ou rizière ?

Son frère aîné sent la désolation et s’agite. Il parle et on trouve un pensionnat accueillant pour Nou et 2 de ses copains d’infortune. Nou entame alors un long exil pour étudier. Il ne rentre chez lui que 2 fois par an et s’accroche à son rêve. En fin de 3ème, il s’en ouvre enfin. Le petit séminaire l’accueille. Puis le séminaire moyen puis le grand séminaire. Diacre enfin et prêtre ensuite. Un rêve porté pendant 20 ans.

Samedi dernier à Maesot, les Karens sont descendus en masse : les pick-up délivrent des jeunes, des vieux enchevêtrés qui ne voulaient pas louper cela. Les villageois s’étonnent de se trouver si nombreux : « Pado, on était bien 300 000 ! ». Euh peut être pas : c’est le nombre de catholiques en Thaïlande ! Ils veulent voir l’évêque ordonner un prêtre car ici personne n’a jamais vu. Les prêtres, il y en a bien-sûr mais ils viennent tous d’ailleurs. Aujourd’hui, il est d’ici, des leurs et pour eux.

La célébration coule longue et paisible. Un des moments forts certainement : quand le vieux missionnaire dans le secret l’a revêtu de la chasuble. Le relai passe. La patience et une bonne dose de courage ont conduit Nou à ce jour.

« Laisse faire le temps, ta vaillance et ton Roi » disait le Cid.

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