Édito de décembre

Pour méditer en faisant la crèche :

“… ne vous donnez pas à vous-mêmes, d’avance, l’idée de ce qu’il faut savoir la nuit de Noël. Mais taisez-vous devant Dieu qui se tait. Acceptez qu’il vous dise quelque chose que vous n’avez jamais entendu. Fermez les yeux pour voir une autre lumière. Acceptez qu’elle vous révèle ce que vous n’avez jamais vu. Alors que vous pensez déjà avoir le secret de cette nuit, admettez que vous ne savez rien encore de ce qui peut vous advenir. Car votre vie est devant vous et Dieu est la vie. Et la vie vient jusqu’à à vous. Acceptez la grâce d’être là en cet instant et en ce moment où l’amour se fait si proche, et pourtant se dérobe. “

(J-M Lustiger, Petites paroles de nuit de Noël, éd. De Fallois)

La chronique

Le mois de novembre fut aussi chargé que les nuages qui plombaient notre ciel. La chaleur accourue produisait de spectaculaires orages. Les éclairs déchiraient nos soirées dans un tintamarre qui n’effrayaient pas que les petits. Ce climat particulier favorisa les rizières et la moisson put commencer en avance sur les pronostics. Prématurée et abondante, la moisson fit des heureux, combien même des pluies intermittentes tracassaient la sérénité des moissonneurs. Au final, on perdit peu de grains et les greniers sont pleins. La moisson s’étale sur tout le mois de novembre et les villageois s’épaulent en travaillant d’une rizière à l’autre. Une bonne année donc qui efface le mauvais souvenir laissé par la moisson de l’année précédente.

Une opportunité inespérée s’intercale heureusement dans le calendrier des moissonneurs. Une orthoptiste nous visite. Les volontaires se gaussent du Pado incapable de prononcer ce mot habilement. À vrai dire, nos projets de santé sont légion mais jamais nous ne nous étions intéressés à la vue. Notre amie a pu voir 4 villages en 4 jours. 130 paires de lunettes distribuées et quelques cas sérieux dépistés que nous conduirons chez l’ophtalmologue grâce à la générosité d’Esprit Karen. Chacun garde un souvenir ému de ce villageois qui, une fois chaussé des bons verres, arbore un sourire incroyablement large qui dit l’étonnement de voir enfin. Les journées sont épuisantes pour notre orthoptiste mais quel bonheur de susciter des voyants.

Les 3 centres du secteur se retrouvent pour des olympiades sans enjeux, juste pour le plaisir de se revoir au terme de la saison des pluies. Ponouaypou, Maetan, Maetowo déballent leur ardeur dans un cadre somptueux : les bords d’une large rivière plantés de teck séculaires. Chacun goûte cette journée au vert. Une seule déception : la sieste fut trop courte !

Plus éditées encore que les jeunes, un groupe de 10 tisserandes de Maewe se rend à Bangkok pour célébrer les 15 ans d’Esprit Karen. Esprit Karen, c’est les « Madames » comme on les surnomme affectueusement entre nous. C’est un groupe de femmes expatriées qui déploie énergie et créativité pour sortir des collections des kilomètres de lés de coton tissés par les femmes karennes.

Si pour le commun aller à Bangkok est d’un commun sans nom, pour nous c’est une aventure. On rit de tout tellement chacune se juge insolite dans ce décor de tours et de béton. Les pétarades remplacent le chant des coqs. Nous participons à une vente de produits Karens dans le jardin d’un luxueux condo. Des rencontres, des larmes d’émotion, des mots qui font chaud égrènent la matinée. Une détonation rompt pourtant les babillages de la vente : le transfo de la résidence vient d’exploser ! Pas grave un groupe électrogène continue d’alimenter les ascenseurs et c’est heureux car on grimpera jusqu’au 33-ème étage ! Une expérience unique qui rend blafardes quelques-unes cependant. Un coup de métro aérien surprend des passagers car nous sommes encore en grande tenue karenne. L’un d’eux demandera : “ mais c’est une pub pour quoi au juste ! “.  On est tellement heureux d’avoir retrouvé les Madames et nos amis de Bangkok.

Mais les heureux souvenirs de ces fabuleuses journées seront éphémères car l’inspection académique convoque les habitants de Maewe sans délai pour annoncer la fermeture de l’école. Rien de moins ! Depuis 50 ans que l’école existe, elle a toujours surfé sur la légalité, à deux doigts d’être fermée mainte fois, on a toujours réussi à surseoir aux coups de poignard. Cette fois ci, nous n’arrivons pas à esquiver le coup. Rien n’y fait, ni nos cris ni nos pleurs. Des petits fonctionnaires sans panache annoncent sans trembler la fin de l’école qui faisait la joie des 80 élèves et 8 professeurs. On ne lui reproche rien sinon d’être bonne. Mais ça ils le disent sans pouvoir l’écrire. Non, le motif officiel retenu ? Le bâtiment n’appartient pas au gouvernement et les enseignants n’ont pas le certificat d’habilitation. Ils se gardent bien de dire que toutes les tentatives récentes de négociation ont été rejetées sachant que les villages Karens se trouvent dans un vide juridique qui empêche toute possibilité de légalisation d’une école privée. Jusque-là et pour le bien des enfants, des arrangements se négociaient. Au terme d’une discussion houleuse avec les villageois, l’inspecteur d’académie propose sans rougir aux villageois de trouver un lieu propice dans le village, pas dans l’école qui appartient à l’Eglise évidemment, et il enverra un professeur dûment nommé pour enseigner les 80 élèves !

Cette mascarade honteuse est indigne : les habitants ont été prévenu par un simple sms, pas de courrier et en pleine année scolaire. Refuser la proposition expose tous les élèves au redoublement car la fin de l’année scolaire est dans 3 mois !

Les procès récents intentés à l’administration au nom du droit des minorités ont tous été perdus.

On réfléchit depuis : comment continuer? Bon on a quelques idées…

Les mois prochains vous en diront plus…

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