Origine du peuple Karen
Peuple de tradition nomade, les Karens sont originaires des hauts plateaux birmans, probablement du Yunnan. Le peuple Karen se fixe au nord de la Birmanie aux alentours du VIIIème siècle avant Jésus-Christ.
La première mention archéologique connue fait état en 1235 d’un peuple appelé Karian, ayant fourni des esclaves offerts pour des cérémonies religieuses. La stèle appartient au site de Bagan.
Peuple minoritaire originaire des contreforts de l’Himalaya, il vit de chasse, de pêche et de cueillette. Les villages se déplacent avec l’épuisement des terres consacrées aux rizières de montagne qu’ils cultivent suivant une rotation quinquennale.
Les publications universitaires distinguent plusieurs sous-groupes de Karens ayant des traditions et des évolutions géographiques légèrement différentes mais conservant entre eux un sentiment communautaire et identitaire très fort. Les Karens de la province de Tak vivant aux abords de la frontière birmane sont issus du sous-groupe des Sgaws.
Première migration de Karens en Thaïlande au XVIIème siècle
Les premières migrations de Karens vers le royaume du Siam interviennent au XVIIème siècle, pendant les conflits entre Birmans et Thaïs, au cours desquels de nombreuses exactions sont commises contre le peuple minoritaire. Fuyant leurs villages, ils sont finalement contraints par les Thaïs d’assurer la sécurité du nord de la frontière entre le Siam et la Birmanie. Ils s’installent dans les montagnes du sud de Chiang Mai.
L’ethnie Sgaw essaime dans ces régions inhabitées, encouragée par le royaume de Siam, notamment par le roi Rama 1er à la fin du XVIIIème siècle. Sans nul doute, les descendants de ces premiers habitants résident aujourd’hui dans les villages de la frontière birmane.
Assimilation au peuple de Thaïlande à la fin du XIXème siècle
La dynastie des rois Rama poursuit sa politique en faveur du peuple Karen, au point que le roi Rama IV se proclame Roi des Karens au milieu du XIXème siècle. A la fin du XIXème siècle, plusieurs colonies karens acquièrent la nationalité thaïe et s’enrichissent en développant des réseaux de vente de produits rares comme le bois précieux, les défenses d’éléphants etc.
Les Karens citoyens thaïs payent l’impôt et élisent leur chef de village. Certains gagnent les villes ou ils sont formés et entrent dans la police ou l’armée.
Détérioration de la situation au XXème siècle
Au début du XXème siècle, l’attractivité de la frontière et son rôle stratégique diminuent, et l’intérêt des dirigeants thaïs pour l’ethnie s’en ressent. Rama V renforce la centralisation du pouvoir à Bangkok, ce qui provoque la nomination de fonctionnaires thaïs pour administrer les zones montagnardes karens. D’aucuns refusent cette autorité exogène, se révoltent et se réfugient dans les montagnes du nord-ouest du pays. Une politique nationaliste exalte en outre le sentiment de supériorité de l’ethnie thaïe sur les autres groupes ethniques, stigmatisés comme tribus primitives et hostiles.
La politique est cependant nuancée dans les années 1960 à l’aune de la menace communiste du Vietnam et des mesures économiques en faveur de certaines minorités comme les Hmongs profitent aussi aux Karens.
Plus récemment, l’arrivée massive de réfugiés en provenance de Birmanie a concentré l’attention de la communauté internationale sur les camps de réfugiés à partir du milieu des années 1990.
La situation des Karens aujourd’hui
Outre les Karens birmans issus des mouvements de population des deux dernières décennies et condamnés à vivre sans statut juridique défini dans des camps de réfugiés, on observe trois groupes de populations distincts de Karens thaïlandais dans la Province de Tak.
Les premiers se regroupent dans les villages isolés des opportunités économiques issus du dynamisme thaï. Ils doivent faire face aux problématiques d’une ouverture culturelle et sociétale au monde moderne. La région de Maetowo-Ponouaypou-Maetan appartient à cette catégorie.
Les seconds, davantage reliés au maillage industriel ou agricole du Royaume de Thaïlande par les routes goudronnées, vivent leur existence au sein de villages de la plaine en coexistence avec les autres ethnies.
Les derniers, fruits de l’exode rural, poursuivent une existence plus assurée avec des emplois plus rémunérateurs. Pourtant ils manquent encore de qualifications, ce qui fait d’eux une cible facile aux discriminations de toutes sortes.